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Christophe Hondelatte Voici le récit assez dur. Je vous préviens d'un pompier qui, après être intervenu sur un accident de voiture très douloureux, se retrouve atteint d'un syndrome de stress post-traumatique. Comme un soldat qui rentre de la guerre. Une histoire que je tire du livre d'Eric Gouvernez, aux éditions L'Harmattan. Blessure d'âme d'un soldat du feu. Il sera là, bien sûr, pour le débris de l'accident à la lente reconstruction d'Eric. Voici cette histoire que j'ai écrite avec l'aide de Dieu.

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Réalisation de Céline de Brace.

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EUROPE1 Christophe Hondelatte. Comme beaucoup, j'ai eu une enfance bousculée, élevée entre mes grands parents et des parents séparés.

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Entre les chansons de Berte Sylvains et des musiques des années 70 qu'écouter mes parents. Une famille fragmentée qui m'amène à une scolarité tout juste suffisante.

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A 18 ans, je m'engage dans les commandos parachutistes de l'air et quand je reviens dans la vie civile, comme j'ai appris le dépassement de soi, l'esprit de sacrifice, je choisis le métier de sapeur pompier à Sète, dans l'Hérault. D'abord volontaire, puis professionnel. Et les années se succèdent comme un deux cycle de garde en cycle de repos. J'enchaîne les simples chutes dans la rue, les accouchements, les malaises cardiaques, les accidents de la circulation, les suicides, les accidents du travail, les bagarres, les conflits familiaux et les apéros qui tournent mal.

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Et je pénètre dans l'intimité des familles derrière chaque fenêtre. Il y a des tapisseries différentes et des odeurs dans le couloir. Je côtoie la solitude, la souffrance et la mort. Je me souviens de cette maman qui s'est suicidée par pendaison avec la photo de ses enfants dans un cadre autour du cou et de cette adolescente qui s'était pendue avec son casque de Walkman. Je me souviens de ce grand père qui gardait son épouse morte depuis des semaines, et de ce nourrisson qui semblait endormi, mais qui s'était étouffé dans la nuit.

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Pour moi, c'était le pire. Les enfants. En 1999, je vis une aventure particulière. On m'envoie au Kosovo une opération humanitaire dans un camp de réfugiés qui s'appelle Stanko Hacks, un camp prévu pour 5 000 personnes et qui en accueille vingt quatre mille. Dans ma vie, c'est une expérience humaine hors norme. La guerre, les familles décimées, les enfants mutilés, le bruit des bombes. Je m'occupais du secteur Delta, où vivaient cinq mille personnes.

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Je me souviens, je me suis attaché une petite fille de 9 ans. Elle s'appelait Valles Bonilla. C'était une boule de vie. Au milieu de ce désastre.

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En mai 2017, ça fait 27 ans que je suis pompier à cet adjudant chef et chef de groupe, je suis très loin d'imaginer ce qui va m'arriver. Le lundi 22 mai 2017, je me souviens, c'était une belle journée. Le matin, en prévision de la saison qui arrive, je participe à des manœuvres sur le massif de la Gardiole et sur le coup de 14h30, je reçois un appel radio chef de groupe 7.

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Vous reprenez intervention pour inondations sous le Théâtre de Sète.

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Je répète le théâtre de cette rupture de canalisation et je me retrouve quelques minutes après dans les entrailles d'un théâtre humide. J'en sors à 17h30 et immédiatement, j'appelle la salle opérationnelle.

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Bien d'avoir un accident impliquant plusieurs véhicules, tu peux te rendre sur place est ton problème? Je suis tout près, en effet, alors que mes collègues vont devoir traverser toute la ville, évidemment sur la voie rapide, la circulation est arrêtée, alors je m'engage à contre sens et je remonte la file des voitures. Et quand j'arrive sur place, il n'y a aucun véhicule de secours, aucun. Mais où sont ils? Où sont ils? Au loin, je vois un poids lourd légèrement en travers, au milieu des voies et au milieu, une masse grise qui ressemble à une voiture.

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Et soudain, j'aperçois mon chef de centre. Il rentre chez lui. Sa voiture s'est arrêtée à quelques dizaines de centimètres de l'impact.

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Éric va boire dans la voiture, devant le camion. Je ne sais pas combien ils sont. Moi, je m'occupe de demander des secours. Je cours vers les véhicules impliqués. Le choc a été énorme, au point que l'essieu avant du camion a reculé. Le chauffeur est là, debout, les yeux hagards. Il est en état de choc, mais à première vue, il n'y a pas d'urgence vitale.

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Monsieur. C'est des pompiers, vous ne bougez pas, vous restez là, vous vous asseyez. Une ambulance va arriver. Moi, je vais aller faire le tour de la voiture. Vous m'avez compris. Je m'approche de la voiture. C'est une 7 places écrasée, totalement déformées. Le choc a dû être colossal. Le conducteur et le passager sont inaccessibles. Ils sont piégés par l'amas de tôle. Alors je fais le tour et je constate que le conducteur est mort et le passager confus et à l'arrière.

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Je vois des corps, plusieurs corps enchevêtrés et aussi deux sièges bébé. Est Arrachez et qui vit? Et un autre derrière le conducteur qui est pris dans la tôle froissée avec une petite main et un pied qui dépassent et entre les deux sièges bébé, deux corps d'adulte, peut être 3. Je n'arrive pas à les compter. Et là, entre les jambes de l'un des corps, je vois un petit bébé la tête vers le bas. Une petite fille qui doit avoir 3 mois.

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Elle doit venir du fauteuil bébé Kevin. Il faut que je les sorte, les enfants tous les deux. La porte est bloquée. Je vais passer par la fenêtre qui est allongée sur les autres corps. La petite fille ne respire plus. Alors, je commence par lui insuffler de l'air avec ma bouche par son nez.

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Je me retrouve avec de la poussière de verre dans la bouche. Je recommence. Je crois apercevoir un début de respiration, alors avec mes épaules, je force sur l'essayage et j'arrive à la libérer. J'arrive à la sortie, mais je n'ai pas de peau, alors je la pose sur le sol. Je n'ai aucun matériel, mais je commence une réanimation et là, un collègue arrive. Mais qu'est ce que tu fais? Tu vois, je masse. Il me regarde, son visage horrifié, je regarde à nouveau la petite vie.

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Son corps n'est plus entier. Il manque la moitié de sa tête. Tout l'arrière de sa tête.

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Je viens de faire une réanimation à un enfant qui n'était plus entière. Je regarde ce petit corps. Un petit moment, quand je le place dans ma veste, ma veste de feu et pour qu'elles ne restent pas là sur le sol, je vais la poser dans la cabine du poireau et je fais ça aussi pour la mettre à l'abri des regards des badauds et ceux de mes collègues qui ne vont pas tarder à arriver.

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Et puis j'y retourne comme si j'avais une mission divine. Je réussis à ouvrir la porte à rien. La femme derrière le passager, qui est sans doute la maman de la petite fille, respire difficilement et comme le moteur fume, je me dis pour la sortir avant le feu, alors je coupe sa ceinture de sécurité. J'essaye de la dégager, reprenant le maximum de précaution en tenant sa tête droite. Mais on dirait qu'elle s'enfuit dans mes bras comme une poupée désarticulée.

[00:08:59]

Alors, je finis par la sortir de la voiture en la tenant par ses vêtements. Et puis j'ai RTO. Je retourne dans l'épave chercher des autres. Il y a une dame plus âgée, sans doute la grand mère. Je coupe sa ceinture de sécurité avec mon couteau et quand elle est contre moi. Soudain, elle arrête de respirer et moi, je sors. Quelque chose qui me traverse physiquement, comme si son âme avait quitté son corps. Je me sens.

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Impuissant, comme s'il avait décidé de tous partir en ne me laissant aucune chance de les aider, je sors, je le dépose sur le sol, je cherche un regard, une aide ou une ambulance qui serait arrivée maintenant. Alors je commence un bouche à bouche. Et ensuite, des compressions thoraciques et là, une équipe arrivant enfin deux collègues avec du matériel allégé prenait en charge mojitos.

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Maintenant, il faut que je sorte le petit dans le siège bébé, je m'enfonce dans la carcasse. J'arrive au niveau du petit fauteuil qui est pris dans le piège de fer. L'enfant ne respire plus.

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Je passe ma main entre ses jambes, je remonte, je relève sa tête et aussitôt, l'air s'engouffre dans ses poumons. Et quand il respire et il envoie du sang partout, il est incarcéré. Il a les jambes coincées dans les renforts latéraux. Impossible de le sortir. Et là, je vois des visages qui arrivent d'un peu partout. Mais frérots sont en en. Même le médecin de l'hélicoptère est là. Mais d'où sortent ils? Je n'ai même pas entendu l'hélico se poser.

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Et moi, je tiens toujours ce petit visage, ce petit corps qui se bat pour respirer un peu d'air. Le médecin dit bon, il faut le sortir maintenant, sinon le père. Mon collègue Marco a réussi à se glisser par le corps et je m'entends encore crier sous l'effort pour dégager les jambes du bébé.

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Rien ne bouge, il n'y a plus qu'une seule solution sacrifier ses jambes. Je les entends craquer comme une grosse branche d'arbre. Et là, je peux enfin le dégager avec ses petites jambes qui sont comme celles d'une poupée de chiffon. L'équipage de l'ambulance le prend tout de suite en charge. Et là, je prends conscience des moyens qui viennent d'arriver 8 ambulances, deux fourgons de secours routiers, le SAMU, les policiers et moi.

[00:11:46]

Je me sens vidé, alors je retourne au camion, je récupère le bébé qui est toujours caché dans ma veste de feu et je lemporte dans mes bras comme si, comme si je voulais essayer de le sauver. Encore une fois, je traverse toutes les équipes qui sont au travail. Personne n'imagine que dans ma veste, tout contre moi, il y a un petit clan et je vais le déposer dans ma voiture et je reste là avec elle, comme pour la surveiller, la garder.

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Mais sa maman aussi est morte, alors nous décidons de les mettre ensemble sous le même drap. Il n'y a que deux survivants le petit garçon qui doit avoir 3 ans et qui est dans un état d'urgence absolue. Et là, des adultes, ils sont évacués par hélicoptère. Bon, messieurs, vous allez vous rendre au centre de secours pour hommes. Un défi au avec la CMP à la CMP, c'est la cellule médico psychologique et un défi. Ouzzine consiste à décrire à chaud notre ressenti oral.

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Il nous font chier avec leur CMP. L'opérationnel doit primer en.

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Des fusing, des voix à Tremblay et d'autres marquent une distance avec l'événement. Moi, je ne pense qu'à rentrer au centre de secours, alors je abrège cette séance et je rentre à cette personne ne me retient. Il me laisse libre de ma démarche.

[00:13:33]

Au petit matin, en rangeant mes affaires dans une poche, je retrouve des restes humains de l'une des victimes et à partir du moment où je pose ma tenue de feu, je sent que quelque chose ne va plus. Mais je ne sais pas quoi et quand je pousse la porte de la maison. Je ne peux pas imaginer que je ne retournerai pas à la caserne avant longtemps.

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Le lendemain matin, la journée s'annonce belle. Je pousse la porte qui donne sur mon jardin. Je ne vois aucune couleur jaune sans aucune odeur. J'ai la sensation d'être hors du temps. Je croise mes enfants qui partent à l'école. Bonne journée, papa! Mais quelle heure est il? Je me lave les mains. J'oublie de fermer le robinet. Je prends du lait pour le petit déjeuner. J'oublie de fermer la porte du frigo. Je pose la casserole sur le feu, mais je n'allume pas le gaz.

[00:14:38]

Je suis épuisée, alors je cherche à m'allonger. Impossible de fermer l'oeil. Et ensuite, je me retrouve à genoux dans le jardin. Je ne sais pas comment j'y suis allé. Je prends ma tension, mon pouls. J'ai peut être fait un Avishai. Je suis perdu, perdu et ça dure comme ça toute la journée. Et le soir, quand je vais me coucher dans la nuit, je me retrouve sur cette nationale. Il n'y a personne.

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Je suis accroupi près de cette voiture broyée. Et là, je tourne la tête et ils sont tous là, en arc de cercle. Ils me regardaient immobiles, le bébé dans les bras de sa mère et personne ne me parle. Et moi, je leur demande pardon, pardon, parce que je n'ai servi à rien malgré toute mon expérience. Et pour la première fois. Explose en sanglots. Je me retrouve. Là, dans mon lit. Cela fait une semaine qu'ils sont morts et je n'arrête pas de penser à ça.

[00:15:53]

J'ai promis à ma femme d'aller voir quelqu'un. La séance est menée de façon très professionnelle. On parle à tour de rôle. Les infirmiers nous écoutent. Et moi, je suis prazan, mais je n'ai pas d'émotion. Je suis décalé avec mon corps, comme si je regardais la scène derrière une glace sans tain. Les deux infirmiers psy se regardent et sans un mot. Ils appellent les urgences psychiatriques. Le lendemain, me voilà aux urgences poss psychiatrique de l'hôpital.

[00:16:38]

Au milieu de gens avec le regard perdu et d'autres qui ont des tics. Et à côté de moi, une dame qui fait de drôles de bruits avec sa bouche et qui bouge les jambes.

[00:16:50]

Il y a des fins là, je suis sapeurs-pompiers. Je me suis fait surprendre dans une intervention, d'accord, mais je suis barada.

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Vous pouvez simplement me raconter ce qui s'est passé, racontez moi cette intervention. Au début, je raconte sans problème. Et puis mon regard se baisse. Je cherche mes mots. Je perd le fil. J'ai du mal à respirer. Mais malgré tout, j'arrive à dérouler toute l'opération et à empiler mes gestes, mes morts et mes mots sur le bureau. Bon monsieur! Vous êtes ce qu'on appelle en état de stress dépassé. Tous les symptômes que vous décrivez sont évidemment les conséquences de cet événement.

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Vous avez été confronté à plusieurs morts avec vous. Sentiment d'impuissance? On va devoir agir vite. 1 Vous rentrez dans les protocoles d'urgence sont prévus pour les militaires qui rentrent de la guerre. Vous présentez ce qu'on appelle un syndrome de stress post-traumatique. Je vais vous aider. Un fait d'abord vous donner des médicaments qui vont vous stabiliser. Et puis, nous allons mettre en place un traitement de fond, notamment un protocole qu'on appelle le EMDR. On ne fait pas ça à l'hôpital, mais je vais vous orienter vers une psychologue.

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Je découvre pour la première fois ma psychologue. Elle est plus âgée que moi et sa voix est douce et agréable. J'ai envie de lui faire confiance et elle me fait raconter encore une fois mon histoire à chaque blocage, chaque changement de voix, chaque débordement émotionnel. Regardez bien ce point là. Sur l'écran de l'ordinateur. Et suivez le bien des yeux. Cette première séance me laisse assez perplexe. Des mouvements des yeux. Mais les séances s'enchaînent et je m'habitue à cette nouvelle amie.

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Cela fait maintenant trois mois que l'accident a eu lieu et les nuits sont encore longues. Et quand la fatigue finit par l'emporter, je suis de nouveau sur le bord de cette route et au réveil, la journée est lourde. Chaque bruit me fait sursauter. Et concernant les autres, ma tolérance est proche du zéro. Je ne supporte plus rien.

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Aujourd'hui, par exemple, j'ai décidé de faire une tarte aux pommes, mais je me perd sur la recette. Il est écrit qu'il me faut 30 minutes et moi, il me faut quatre heures pour fabriquer cette tarte et la cuire. Un an déjà et les choses n'ont pas vraiment changé le monde extérieur est encore trop rapide, il est oppressant et je suis bien seul à la maison à organiser une chose après l'autre.

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Est ce que je vais pouvoir recommencer à exercer mon métier? J'ai besoin de savoir. Alors, avec l'accord des médecins, je retourne à la caserne avec un temps de travail adapté.

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Oh salut Eric Courtade de devoir errer. Cela me fait plaisir que tu sois de retour et doucement.

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La journée démarre avec son lot d'interventions et mes gestes sont là. Mais j'ai l'impression d'être spectateur de ce qui se passe autour de moi.

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Et le soir, au cours de ce petit rituel au cours duquel on partage une bière ou un martini où chacun raconte sa journée, je suis là, mais sans y être, je me rends compte que j'ai cru être un pompier prêt à toutes les situations, à guerrier, debout face aux caprices de la vie.

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Un roc indestructible. Mais j'ai oublié qu'avant tout, je n'étais qu'un homme. Ça fait un an et demi que je fais un travail quotidien pour reprendre ma vie d'avant. Mais je crois que je ne la reprendrait jamais. Un jour, mon médecin me parle de méditation. C'est une technique très adaptée, vous verrez, et elle est très efficace quand elle est bien maîtrisée. Il existe un programme en huit semaines. La méditation, ça me fait tout de suite penser à un homme avec une cape rouge orange, un gars qui habite dans l'Himalaya et qui, au plus fort de sa transe, ce métal léviter au dessus des cailloux, une espèce de mode new age impôts.

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Les bobos et les j'aime les fleurs, mais la machine fournaises, la méditation de pleine conscience, n'est ni idéologique ni spirituelle. Alors, je décide de tenter l'expérience. Une retraite de cinq jours dans les Cévennes, un hameau magnifique et un groupe hétéroclite avec des gens de tous milieux et des histoires difficiles.

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Tout d'abord, faites en sorte de vous tenir le plus droit possible. Cela va faciliter votre respiration qui va être notre outil principal avec votre attention entre. Et inspiré plusieurs fois, profondément par le ventre. Les méditations commencent à 7 heures du matin et elles s'enchaînent jusqu'au soir et au fil des jours, je commence à comprendre et à ressentir mon corps. En parallèle, je découvre au hasard des rencontres, une technique japonaise du 15ème siècle qui s'appelle le Keisuke Gui.

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C'est une technique de restauration des céramiques d'art qui sont brisées. Elle consiste à reconstruire un objet cassé avec patience, avec minutie et enfin le sublimer en soulignant les fractures avec de la poudre d'or. Au fond, ce sont des étapes similaires à mon histoire. Se reconstruire en acceptant ces cicatrices et chercher chaque jour à rassembler les morceaux de moi même. Le 15 oggi m'apprend la patience et le temps. Alors pour l'instant, je suis encore loin de rentrer à la maison, sublimées, fière et unique.

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Disons que j'en suis à l'étape du séchage.

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Trois ans et quelques mois après l'accident, je vis désormais en Ardèche, dans mon village familial, loin du superflu imposé par les obligations des gens des villes. Et c'est dans cette terre rude et parfois sauvage, drapée de contes et légendes, que j'arrive à entrer en résilience. Je suis en accident du travail imputable au service. Je ne dors qu'avec des cachets. Mon cœur ne peut rester sage que grâce au bêtabloquants. Je prends toujours des anxiolytiques. J'ai parfois l'impression de m'isoler.

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Je ne sais pas de quoi sera fait demain. A chaque jour suffit sa peine. J'essaye seulement de ne rien faire, mais de le faire bien.

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Cette histoire est tirée de votre livre Eric Gouvernez aux Éditions de L'Harmattan. Blessure d'âme d'un soldat du feu. Ça va, ça va. Ça fait remonter encore une fois une chose pleine d'émotions. Je m'en doute. Pardon de vous avoir fait revivre tout ça. Mais au fond, je ne l'ai fait qu'avec vos mots en utilisant vos mots, tous tirés de votre livre. Rien de plus. Est ce que ça fait partie de votre thérapie d'écrire ce livre? Je pense que quelque part, ça fait partie de la thérapie, mais le but surtout, c'est après ce constat, après cette blessure, c'était vraiment de transformer l'évènement en quelque chose de positif à essayer de le transcender, quelque chose de positif et de faire un message pour tous les gens, notamment les collègues pompiers, mais aussi tous les gens qui travaillent dans les services d'urgence et qui sont confrontés comme ça à des situations de stress dépassé et qui peuvent se faire surprendre comme ça m'est arrivé.

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Et de dire Ben voilà, ça m'arrive vers moi alors que je n'avais aucune prédisposition particulière. Ça peut vous arriver à vous. Voilà mon témoignage. Ne restez pas seul. Je voulais vraiment faire ce témoignage pour ça et je le précise parce que le PRAM de la radio, c'est qu'on ne voit pas. Mais je suis là pour vous décrire. Vous êtes une armoire à glace avec des gros bras tatoués. Ça peut donc arriver à une baraque comme vous.

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Ça peut arriver à tout le monde, en fait. Quand on comprend le système de la blessure, c'est pour ça que j'ai des blessures sur dame. C'est vraiment une blessure. Comment faire une entorse ou une fracture sur une intervention? Donc, ça peut arriver à tout le monde. Après les mécanismes au point, je les explique dans le livre, c'est la montée en puissance. Et puis la répétition de l'évènement et le stress qui va monter chaque fois un peu plus haut, qui fait qu'à un moment donné, on passe un stress dépassé.

[00:26:50]

On essaie quand même d'aller jusqu'au bout. Inévitablement, ça va laisser des marques et des traces indélébiles. A partir de là, où est ce que vous en êtes de votre histoire? Je n'ai pas raconté le livre au bout. J'en profite pour le répéter. Je le dis souvent, je ne raconte pas tout le livre. On ne peut pas en 30 minutes comme ça, raconter tout ce qui est écrit dans ce livre. Ou est ce que vous en êtes aujourd'hui au même point, c'est à dire que au jour le jour, vous essayez de faire les choses et de les faire bien.

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Et rien de plus. Exactement. En fait, aujourd'hui, je suis exactement comme la dernière phrase du livre au même point. Et j'ai toujours des problèmes de concentration qui sont très marqués, des problèmes d'orientation dans l'espace temps. Donc, j'essaie de construire mes journées et de faire les choses une après l'autre. Et puis, j'essaie de me rencontrer et de découvrir le nouveau bonhomme que je suis devenu. Parce qu'inévitablement, il y a des choses qui ont changé profondément en moi et autant sur le regard sur la vie, de manière générale, qu'au travers du parcours de guérison, au travers de la méditation, etc.

[00:27:54]

J'ai ouvert des portes sur tout un tas de domaines que je n'avais pas pris le temps d'ouvrir et évidemment, quelque chose m'a sauté aux yeux. C'est sur cet accident, vous êtes seul, alors que engénéral, les pompiers interviennent en équipe, entre amis, souvent parce qu'une équipe de pompiers s'est soudée.

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Donc, on affronte ensemble, on assume ensemble, on rentre à la caserne et ensemble, on débriefe ensemble. Et là, vous ne pouvez rien partager de tout ça. C'est un cas presque unique dans une vie de pompier. C'est un des déclencheurs quand on fait un petit peu le travail de recherche, de l'accident, de la blessure psychologique. Quand on part, quand on prend le ticket de départ chez les pompiers, le temps du parcours, on est déjà un équipage composé.

[00:28:44]

Sur le fond, je connais bien qui se connaît bien et pendant le laps de temps de parcours, jusqu'à arriver sur les lieux d'intervention. On a le temps de préparer. Le chef d'atelier prépare son opération. Chaque personne aura un petit peu dans son automatisme et sa mécanique de travail. C'est à ça que sert d'ailleurs les manœuvres et les entraînements quotidiens. Ce jour là, je suis parti, pensant que mes collègues étaient déjà sur place et très rapidement, en arrivant sur place, je me rends compte que je suis tout seul.

[00:29:10]

Surtout qu'au moins, je tiens des fonctions de cadre. Aujourd'hui, je manage des opérations de ce calibre là. Pour le coup, y'a personne. Je n'ai pas de matériel. Et du coup, de cadres, je me retrouve un primo intervenants à rentrer dans la carcasse.

[00:29:23]

Par dessus les corps, voilà. Le fait d'être seul a été une partie du trauma. Le fait d'être seul. Très rapidement, il faut reconsidérer la situation, refaire une analyse et mettre en place une première réponse. Donc, ce laps de temps est très court. Donc, ça a déjà été un coup de stress initial initial. Après, c'est vrai que le travail sur les impacts s'est compliqué, notamment le bébé. Ça a été vraiment 50 du choc qui m'a touché et ensuite tout le reste.

[00:29:52]

Parce que ça, ça s'est enchaîné jusqu'au bout.

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Vous dites les enfants et ça, dans toute votre histoire, ça transparaît. Les enfants, c'est difficile. Vous parlez de cette petite fille que vous avez rencontré au Kosovo, Val Bonilla, vers laquelle vous êtes attaché. Et quand vous décrivez vos opérations avant ça, vous vous attardez beaucoup. Cette mère qui s'est suicidée avec le cadre de ses enfants autour du cou, sur ce bébé qui s'était étouffé pendant son sommeil. On sent qu'il y a quelque chose à gratter de ce côté là.

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C'est à dire? Vous êtes sensible? Au sort des enfants avant, bien avant cet accident, je pense de manière générale que tous les sapeurs pompiers ou tous les intervenants d'urgence sont sensibles, plus particulièrement au sort des enfants, notamment quand on passe le cap d'être papa. Moi, j'ai trois enfants. Donc il y a des phénomènes de transfert qui se mettent en place inévitablement. Mais c'est vrai que ça reste une des interventions qui est le plus engagé et le plus difficile à gérer et à traiter lorsqu'il y a des petits.

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Je pense que c'est de manière générale tous les collègues qui sont impactés de cette manière là. J'ai été étonné d'ailleurs que dans votre parcours thérapeutique, pas de psychothérapie ou de psychanalyse. Ou peut être y en a eu et vous ne l'avez pas racontée parce que votre histoire commence. Vous dites vous même que vous avez eu une enfance fracturée et on retrouve ces enfants tout au long du parcours, jusqu'à ce moment où ce bébé est là. Et vous ne voyez pas qu'en fait, il est coupé en deux.

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C'est un sujet en or pour la psychanalyse. Il y a eu des choses comme ça.

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Il y a eu un parcours de psychanalyse. Mais au départ, comme le syndrome de stress post-traumatique a été identifié rapidement et ils ont vraiment mis en place la procédure d'urgence pour désamorcer les mécanismes. Physiquement, physiquement, puisque la blessure psychique va impacter le corps de manière physique et dans la matière, profondément.

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Donc, pour essayer de désamorcer ces blessures mécaniques, vous parlez d'une mission divine au moment où vous enchaînez les entrées et sorties de la voiture en extrayant les cadavres un par un. C'est à peu près l'antithèse du métier de sapeur pompier. Mission divine que je n'ai jamais entendu que les pompiers avaient une mission divine. Comment est ce que ce moment là, vous vous donnez cette mission là?

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Disons que c'est vrai que les pompiers ont toujours des missions de sauvetage, d'assistance, de secours. Froide, froide, n'interviennent, que ce soit dans des incendies comme feux de forêt, feux d'habitations ou etc. Mais là, confrontés vraiment pas à la matière première qu'est l'humain. A un moment donné à sortir tous ces corps d'un site souffrant de torture et automatiquement, je vois bien que les cas sont graves, avec une issue qui n'est pas très bonne dès le départ.

[00:32:40]

Donc là, à ce moment là, c'est vrai que je sauve plus les gens quand j'essaie de sauver des armes quasiment. Et je veux à tout prix qu'elles restent là. Finalement, je vais essayer de faire quelque chose et tout m'échappe. C'est terrible. Donc, c'est vrai que l'expérience aussi de la mer qui me traverse, c'est un ressenti qui meurt dans vous, dans vos bras. C'est ça contre moi, sa tête dans mon cou. Et puis, elle pousse son dernier souffle dans mon cou parce que je suis en train de dégager aussi du véhicule.

[00:33:06]

Et là, il y a un ressenti physique vraiment marqué qui se fait. Donc, ce n'est pas une vue de l'esprit. Je voulais vraiment ressentir physiquement. C'est pour ça que là, je touche peut être à quelque chose qui dépasse le cadre. Mais vous, vous êtes pas porté sur le mystique, vous le dites. Après, on y reviendra. Oui, c'est pas votre truc de base. Qu'est ce qu'ils sont devenus, ce bébé? Sept adultes qui sont les seuls rescapés de cet accident?

[00:33:27]

Vous le savez, évidemment.

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Alors, le petit garçon dit qu'il a survécu.

[00:33:32]

Il a survécu. J'ai des nouvelles. On m'envoie des photos très régulièrement. C'est un petit garçon qui garde malheureusement pour l'instant un handicap, des handicaps au niveau moteur, etc. Mais il va pouvoir remarcher. Maillebotte Énormément.

[00:33:47]

Vous n'avez pas vu? Si je l'ai vu, je l'ai vu juste obligé d'aller le voir.

[00:33:52]

Il me fallait le voir. Il fallait qu'il y en ait un vivant. C'était vrai. Moi, il fallait que je prenne contact avec lui. J'ai vu sa famille et je l'ai vu à lui seul. L'adulte et l'adulte lui gardent des séquelles neurologiques marquées. Je n'ai pas eu d'autres nouvelles après. Il y a deux techniques qui sont en train de vous aider, semble t il, à aller mieux. La première s'appelle le n. D. R. Alors si j'ai bien compris, c'est basé sur un système de clignement des yeux.

[00:34:23]

Expliquez moi ça. L'EMDR, c'est une stimulation qui est faite par une psychothérapeute, avec des tapotements ou avec des mouvements sur un écran où les yeux doivent suivre un point qui bouge. Et au fur et à mesure que, enSuisse, au rythme remémorée, elle nous fait parler de l'évènement tout en suivant ce point et au fur et à mesure, elle le fait des stimulations par des tapotement sur les genoux, sur les mains, sur une partie du corps. Dès qu'elle capte, que l'événement reste accroché au niveau neurologique, on le voit au niveau des yeux et elle le fait libérer des charges émotionnelles comme ça, ce qui paraît complètement aberrant au début.

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J'imagine Guanabara que vous vous êtes dit Je ne sais pas ce que je viens faire là, une fois de plus avec beaucoup. Ça ressemble un peu à ça. Beaucoup de préjugés au départ. Et puis, le premier soir a eu beaucoup, beaucoup d'émotions qui sont remontées, qui sont revenues en moi. Donc c'était vrai. C'est vraiment quelque chose qui fonctionne, en tout cas pour moi. Il y a plusieurs outils. C'est un outil qui a. Le marché semble donc vous dites aux gens n'ayez pas peur.

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Si vous devez passer par là, ce n'est pas inefficace, ce n'est pas inefficace. Faites confiance aux soignants.

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Alors, la méditation de pleine conscience est à peu près le seul moment où on sourit dans votre histoire. Parce que évidemment, comme beaucoup de gens comme moi notamment, vous pensez que c'est un truc baba cool, hindouiste? Vous dites j'aime les fleurs, sous entendu tous les rêveurs, quoi.

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Et pourtant, vous avez le courage d'aller à ce premier stage de méditation de pleine conscience. Et on sent que ça vous a beaucoup apporté. Effectivement, quand on sort un peu des caricatures et puis des postures et qu'on prend la peine de le regarder un peu autour de soi des gens, on rencontre des gens qui font autre chose et qui le font avec passion. Et puis, cette discipline permet vraiment, sans connotation spirituelle quelconque, de se centrer le travail sur sa respiration et d'être vraiment présent dans son corps.

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Ce qu'on fait très rarement puisqu'on est toujours happé par la vie, par la vitesse, les évènements qu'on a autour du sport quand on fait des soirées, des enfants de femmes, etc. Donc là, on prend ce moment pour nous et on travaille là dessus pour pouvoir se recentrer et revenir à soi, être présent dans son corps et dans l'instant d'un instant. Ça fait un peu spirituel aussi, mais c'est malgré tout une réalité. Et du coup, ça amène ce calme et cette capacité d'introspection, de travailler sur soi, en fait, et de revenir à quelque chose tout de suite, ici et maintenant.

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Aujourd'hui, par exemple, je vous ai torturé puisque nous vous avons fait venir depuis votre Ardèche jusqu'à Paris pour affronter ça, c'est à dire le TGV. Ensuite, en taxi ou le métro, vous avez pris le métro, le taxi, le taxi, la circulation, la ville que vous détestez. Est ce que vous avez pratiqué cette méthode pour affronter ça? Je l'ai fait avant de venir dans Taxi, dans la chambre d'hôtel que j'ai récupéré avant afin de finir l'émission.

[00:37:27]

J'ai fait mes 45 minutes de méditation pour être aligné, puis vous donner le meilleur de ce que je vais pouvoir vous donner.

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Pendant cet entretien, pardon de vous avoir fait affronter la Ville. Mais il faut essayer de temps en temps.

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Non, mais c'est une expérience qu'il faut essayer. Il faut renouveler très régulièrement parce que le but n'est pas de s'isoler, mais bien au contraire d'arriver à retrouver une vie sociale avec tout le monde.

[00:37:53]

Parce que c'est quelque chose que vous effleurés, Maiko. On comprend que vous êtes donc là bas, en Ardèche, dans votre village, et que ça va plutôt pas mal là bas. Mais on comprend que votre femme n'est pas là avec vous. Elle est là avec vous. Il faut aller là bas que sans doute, ça n'a pas été facile. Tout ça pour le couple? Pas du tout, mais que ça a été un combat pour sauver ce couple, c'est encore et.

[00:38:18]

C'est un travail qui n'est jamais fini. Merci beaucoup, Eric, de nous avoir confié cette histoire qui est à la fois très douloureuse et pleine d'espoir. Et ce livre qui s'appelle Blessures d'âme d'un soldat du feu, qui paraît aux Éditions de L'Harmattan, écrit donc par Eric.

[00:38:35]

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[00:38:42]

Attendez, ne partez pas un homme, j'ai encore quelque chose à vous dire. Vous aimez les histoires incroyables? Vous connaissez celle de l'avocat qui a reçu par la poste une oreille coupée. Vous pouvez l'écouter dans le podcast. Mon client et moi, des avocats reviennent sur les affaires criminelles qui les ont les plus marquées, qui ont changé leur vie. Alors écoutez les nouveaux épisodes. C'est simple, il suffit de taper mon client et moi dans votre application de podcast favorite et de vous abonner.

[00:39:10]

Je vous laisse découvrir.